Qu’est-ce qu’un traumatisme ?

Qu’est-ce qu’un traumatisme ?

Le traumatisme, ce passé qui ne passe pas

Dans ce volet « Tout ce que j’aurais aimé savoir sur mon chemin », le traumatisme est une clé vraiment essentielle. J’ai longtemps cru que le traumatisme était relié à une grande catastrophe, une guerre, un viol ou un accident grave ; alors qu’en réalité, le trauma est bien plus subtil, plus courant, plus quotidien, parfois invisible. C’est un choc, quel que soit na nature, son amplitude et son intensité, que le système nerveux n’a pas pu digérer. Il émerge au moment d’un évènement qui nous a submergés et qui laisse en nous une trace figée, une empreinte invisible dans notre chair, nos réactions et notre rapport au monde si bien qu’on peut vivre une vie entière en portant des traumatismes sans le savoir ! Le traumatisme n’est pas dans l’évènement : il est dans ce que notre corps en a fait ou plutôt ce qu’il n’a pas réussi à faire. J’ai écrit cet article dans le but de déclencher un déclic chez celles et ceux qui ignorent ce qu’est un traumatisme ou qui n’ont pas totalement conscience de leur portée dans leur vie ; j’aurais aimé le lire dix ans plus tôt, j’aurais gagné du temps (encore une fois) sur mon chemin de vie.

 Le trauma, ce n’est pas ce que vous croyez

Un traumatisme, ce n’est pas simplement un mauvais souvenir. Ce n’est pas la pluie battante lors de votre jour de congé. Un traumatisme est un processus de figement du système nerveux, une rupture brutale de la capacité à réagir face à une menace ou à une souffrance. Quand l’intensité de ce qu’on vit dépasse nos ressources internes pour le contenir, notre organisme entre en mode survie, souvent sans qu’on s’en rende compte.

Comme l’explique le Dr Ansgar Rougemont, psychiatre spécialiste du trauma, le traumatisme est avant tout un événement psychique non digéré qui continue de résonner dans l’inconscient et le corps, tant qu’il n’est pas reconnu, régulé et intégré. Ce n’est pas ce qui est arrivé qui nous blesse le plus, c’est le fait de rester seul avec ce qui est arrivé. Le Dr Olivier Chambon, quant à lui, insiste sur le fait qu’un traumatisme crée une distorsion de la conscience : il fracture l’unité intérieure, coupe le lien à soi, et fige la perception du réel dans une boucle de survie. Le traumatisme empêche de vivre le présent, car le corps continue de réagir comme si le danger était encore là.

Le trauma, ce n’est pas le passé. C’est du présent figé du passé dans une boucle invisible.

On peut classer les traumas en deux grandes catégories :

  • Trauma choc (type 1) : un événement ponctuel, brutal, visible (accident, violence, agression)

  • Trauma complexe (type 2 ou SPT-C) : une répétition d’expériences déstructurantes (humiliations, abandon, insécurité affective, négligence)


Les seconds sont les plus insidieux, car invisibles. Mais leurs effets sont tout aussi ravageurs : perte d’estime, déconnexion à soi, schémas répétitifs, douleurs chroniques, sabotages, anxiété latente…

Que se passe-t-il dans le corps pendant un trauma ?

Le système nerveux autonome est chargé de gérer nos réactions de survie :

·         Fight (combat): je réagis

·         Flight (fuite): je m’échappe

·         Freeze (figement): je me fige

·         Fawn (faire plaisir): je m’adapte pour survivre

Si aucune réponse n’est possible ou autorisée (par peur, isolement, sidération), le corps reste bloqué dans un de ces modes, parfois pendant des années, parfois une vie entière. Vos talents, vos dons, vos capacités diminuent et vous éloignent de votre chemin de vie parce que la charge émotionnelle n’a pas pu être exprimée ni libérée. Elle devient une empreinte somatique durable, un nœud invisible façonnant nos comportements et nos corps de manière inconsciente.

On ne s’en souvient pas toujours mentalement. Mais le corps, lui, s’en souvient. Le trauma oblige le corps à vivre continuellement comme s’il vivait encore dans l’évènement. C’est pourquoi la thérapie du trauma ne consiste pas à « revivre le passé » mais à permettre au corps de terminer ce qu’il n’a jamais pu faire : fuir, crier, frapper, trembler, pleurer. Le traitement le plus profond du trauma vise la réponse corporelle à l’événement, pas seulement sa compréhension cognitive.

Alors, posons la question simplement :

Si vous avez vécu des humiliations, des violences physiques, de la négligence, du dénigrement ou de l’insécurité chronique : pensez-vous vraiment pouvoir guérir simplement en parlant, assis sur un fauteuil, face à quelqu’un qui vous écoute ?
Alors que votre corps, lui, a absorbé le choc, la panique, l’impuissance, la sidération dans chaque cellule et cela pendant des semaines, des mois voire des années ? Ce qui libère, ce n’est pas le souvenir. C’est la décharge, le mouvement complété. L’organisme termine enfin sa réponse biologique à la menace. C’est le tremblement qui relâche, le souffle qui revient, la chaleur qui recircule. C’est cela, la fin du trauma : quand le corps peut enfin dire « c’est fini ».

 

Symptômes du trauma : quand le passé gouverne le présent

À titre personnel, j’ai passé presque trente ans avec des douleurs chroniques :

·         inflammations articulaires régulières (genoux, coudes)

·         tendinites à répétition

·         et des méga aphtes tous les mois, sans exception.

Des douleurs récurrentes, incompréhensibles, qui revenaient même quand tout semblait aller « bien ». J’ai vraiment tout essayé : régimes alimentaires, compléments, ostéo, méditation, changement de type d’entraînement physique. J’ai vu des dizaines de spécialistes, ça m’a coûté un bras. Ça me soulageait un peu, mais ça ne guérissait pas. Mon corps se taisait un temps puis il revenait frapper à la porte « coucou, tiens, un peu de douleur, ça faisait longtemps Bibi ».

J’avais tout fait sauf le travail sur les traumatismes. En rentrant de mon tour du monde à vélo, j’ai commencé à travailler en profondeur sur mes SPT-C (troubles de stress post-traumatique complexe), pas seulement avec le mental, mais surtout par le corps. C’est ce jour où tout a basculé ! Progressivement, le souffle a changé, les douleurs se sont espacées, les inflammations ont cessé et les aphtes qui me faisaient disjoncter ont totalement disparu. Complètement.

Mon corps lui-même m’a indiqué que le cycle traumatique était enfin terminé.
Pas mon mental. Pas mes croyances. Pas ces spécialistes avec tous les « bons diplômes » — qui ont servi franchement à rien mis à part me prescrire tout un tas de médicaments aussi inutiles que chers. Cette sensation viscérale de relâchement, ce moment où le système nerveux se remet à respirer comme un animal en sécurité. C’est juste biologique. Quand j’ai laissé le corps compléter ce qu’il n’a jamais pu faire, il n’a plus eu besoin de me crier dessus. Simple comme bonsoir. Gratos en plus.

Voici pour vous quelques manifestations courantes d’un trauma non guéri :

  • Réactivité émotionnelle excessive ou absente

  • Anxiété chronique, méfiance de fond, fatigue inexpliquée

  • Difficulté à poser ses limites ou à faire confiance

  • Troubles du sommeil, digestion, douleurs inexpliquées

  • Déconnexion à soi, flou identitaire, vide

  • Sabotage relationnel ou professionnel

  • Addictions (tabac, alcool, café, sucre, porno, drogue)

Un trauma mal intégré peut aussi créer des schémas de survie répétitifs : choix amoureux destructeurs, peur du conflit, hyperindépendance, culpabilité permanente, besoin de contrôle. Votre inconscient traumatique guide votre vie et on voudrait penser que c’est le « hasard », vraiment ?

Pourquoi c’est si difficile à voir (et à faire comprendre)

Parce que la blessure est invisible ! Parce que l’égo fait tout pour ne pas plonger dans l’inconscient. Parce qu’il y a toutes ces injonctions sociales (qui m’ont fait perdre des années pour guérir) : « c’est du passé », « ça forge le caractère », « arrête de ressasser, ça ne sert à rien », « ce qui ne tue pas rend plus fort ».

Je ne vous parle même pas de la « Communication Non violente » et des « 4 Accords toltèques », deux monuments intouchables — voire quasi religieux selon les milieux, qui m’ont littéralement détourné du chemin de la guérison pendant des années. Je reviendrais dessus dans un article pour une critique constructive.
Notre culture occidentale valorise le cognitif et surtout une résilience à toute épreuve sans intégration. On nous dit de « passer à autre chose », de « tourner la page », de « pardonner pour avancer », de « positiver » sauf que le trauma est toujours présent, bien tapis à l’ombre derrière ces croyances.

En se déconnectant trop souvent de son « soi authentique » pour correspondre aux normes sociales ou professionnelles de son environnement peut causer à terme de sévères tensions et maladies dans le corps et l’esprit. Vous soumettre à la doxa émotionnelle sans prise de recul sur son propre mouvement historique c’est prendre le chemin de l’extinction de son feu intérieur. Notre société valorise le déni émotionnel, elle finit par créer des corps vides et des cœurs déconnectés.

Et que va-t-il se passer à votre avis ? La somatisation va augmenter et les symptômes aussi, on ne peut pas guérir ce qu’on nie, on ne peut pas intégrer ce qu’on ne reconnaît pas. Ce que vous n’avez pas pleuré, ce que vous n’avez pas tremblé, ce que vous avez retenu pour tenir debout, le corps le porte. Et un jour, il s’épuise à faire semblant. Un matin vous n’arrivez plus à vous lever, un soir vous vous effondrez. La guérison commence lorsqu’on arrête de lutter contre soi, qu’on cesse de se convaincre que « ça va aller ».

Je pense qu’une société mature valorisa des personnes qui seront capables d’exprimer en conscience leur cheminement sans crainte ni critique de l’extérieur lorsqu’on osera dire « je souffre encore de ce que j’ai traversé », « je suis fatigué de faire bonne figure », « je ne veux plus porter ce masque du faux bien-être », « j’ai besoin d’être vu dans ce qui me fait mal ». Ce n’est pas pour s’enferme dans une plainte, mais pour retrouver l’accès vers le lien qui mène à soi, remettre du mouvement aux endroits bloqués, de la vie où le gel s’est installé !

Trauma, attachement, enfance : tout commence tôt

Mis à part les traumas d’adulte (accidents, agressions, deuils, violences visibles, guerre, déportation, exil, déracinement), la grande majorité des traumas complexes prennent racine dans les premières années de la vie, à un âge où l’on ne peut ni fuir, ni comprendre, ni nommer. À un âge où la capacité à comprendre le contexte sociohistorique de son histoire biographique et familiale est proche de zéro. Ce manque de contextualisation est d’autant plus lourd à porter que la mémoire de l’enfance s’efface une fois adulte si ce n’est pas une disparition (il faut des techniques précises pour retrouver les mémoires — c’est possible de remonter jusqu’au fœtus — j’en parlerais dans un autre article).

Les traumatismes naissent dans les failles du lien, là où l’enfant n’a pas été accueilli, reconnu, soutenu, protégé, sécurisé. Ce sont des blessures subtiles, parfois invisibles, mais durables parce qu’elles touchent le socle de la construction identitaire à un moment d’extrême vulnérabilité de l’enfant quand sa propre survie comme espèce Homo Sapiens Sapiens ne dépend que de ses parents ou de sa tribu. 

Parmi les causes fréquentes d’un attachement insécurisé, on retrouve :

  • L’absence ou l’instabilité du lien : un parent absent physiquement ou émotionnellement, des séparations répétées, un parent aimant, mais débordé ou dépressif.

  • Le non-accueil des émotions : quand pleurer, se fâcher, avoir peur, ou chercher du réconfort devient inacceptable, jugé, puni ou ignoré.

  • La responsabilisation précoce : quand l’enfant devient « adulte trop tôt », porte les émotions de ses parents, s’adapte en silence, se fait petit ou « sauveur » pour éviter le chaos.

  • Une ambiance violente, froide ou imprévisible : cris, humiliations, punitions incohérentes, menaces diffuses, climat de peur ou d’instabilité chronique.

  • Les traumatismes générationnels ou transgénérationnels : ce qui n’a pas été dit, soigné ou reconnu dans les générations précédentes se rejoue dans les gestes, dans le corps, dans les schémas de répétition.

  • Les traumatismes des violences éducatives de notre société : la compétition insidieuse à l’école, les comparaisons incessantes, l’obligation d’apprendre ce qu’on n’a pas demandé ni voulu. Ce dressage en règle est appelé « éducation » quand il s’agit de conditionnement, un apprentissage du renoncement à soi, un entraînement quotidien pendant des années pour plaire, performer, s’adapter au détriment de son feu intérieur.

  • Les traumatismes collectifs : les deux dernières guerres mondiales, la colonisation, le patriarcat, l’effondrement écologique (etc.) laissent un substrat qui marque les familles, les corps, les imaginaires et les identités. Même si on ne les a pas vécus directement, on les porte, on les rejoue, on les hérite.

Dans tous ces cas, l’enfant ne vit pas un événement isolé mais une impression constante d’insécurité relationnelle, de non-amour ou de danger diffus qu’il peut difficilement nommer, verbaliser, contextualiser, mettre en perspective, changer de référentiel.

Et puisque l’enfant dépend entièrement du lien pour survivre, il s’adapte sans cesse et parfois il se coupe. C’est la dissociation.

Comment guérir un trauma ?

That's the question. Il y a des mètres linéaires de livres sur le sujet. Le trauma n’est pas un problème du passé, c’est un problème du présent. Selon son intensité, cela peut se faire rapidement ou par petites touches sur un temps plus ou moins long en fonction des couches. Dans la guérison, le principe fondamental est de remettre du lien entre le cognitif (nos pensées), l’émotionnel et le somatique (la conscience du corps). Il ne s’agit pas de « parler du passé » ou de le « comprendre avec la tête » — même si c’est très souvent le chemin initiatique dans notre société cognitive, il s’agit de permettre au corps de libérer ce qu’il a figé, de décharger émotionnellement ce qui se stocke depuis toutes ces années. Vous l’aurez compris, c’est une hygiène de vie. Et il existe plein de méthodes différentes, je vous invite vraiment à trouver les bonnes méthodes adaptées selon votre personnalité et vos envies pour bien commencer. Chemin faisant, vous évoluerez de vous-même vers d’autres approches ou techniques. Si vous voulez courir un marathon, vos entraînements vont commencer par du 4 * 400 m, puis du 5 kms, du 10 kms, un semi et un jour un marathon. Pour moi, un bon thérapeute est celui qui part de l’espace de la personne en l’accompagnant selon les ressources du moment qu’elle possède sans appliquer des méthodes toutes faites comme si nous étions des forêts de monoculture.

La guérison peut passer par :

  • Un cadre sécurisant et contenant (relation thérapeutique stable)

  • Le retour progressif au ressenti corporel

  • Des méthodes somatiques (TRE, SE, bioénergie, respiration, mouvement)

  • L’accueil des émotions bloquées (colère, peur, tristesse…)

  • Des processus de recontextualisation et de relecture symbolique

  • L’intégration à travers la création, la narration, le groupe, l’art


Guérir, ce n’est pas oublier. C’est redonner une place vivable à ce qui a été submergé.


Nous avons un intérêt individuel et collectif à agrandir cette fenêtre de guérison, car c’est à partir de cet espace de sécurité intérieure retrouvé que nous pouvons agir, explorer, grandir en conscience et en connexion avec les autres et le monde.

Guérir ses traumas est aussi un acte politique

Notre société produit quotidiennement des traumatismes de tout ordre : compétition systémique, isolement relationnel, injonctions à la performance, violences symboliques permanentes, exclusion des vulnérables, infantilisation des citoyens, pressions et violences économiques, disqualification de l’émotion, normalisation du stress et de l’épuisement. Nous ne vivons pas seulement dans une société « stressante », nous vivons dans un système qui crée, nourrit et recycle les traumas génération après génération. C’est une fabrique de dissociation, d’aliénation et d’impuissance apprise. Et tant qu’on n’en prend pas conscience, on croit que c’est soi le problème.

Petit hic dans le schmilblick : comment sont les individus guéris ou en cheminement de guérison ?

Ils sont plus puissants, plus libres, plus autonomes, plus résistants, plus réactifs, plus souples, plus créatifs, plus joyeux… mais aussi plus lucides, plus empathiques, plus ingouvernables, plus reliés, plus incarnés, plus indisciplinés face à l’injustice, plus à l’écoute du vivant, plus intègres, plus contagieux dans leur présence.

Ils ne rentrent plus dans les cases, n’avalent plus les injonctions, n’obéissent plus par peur, ne cherchent plus à plaire au prix de leur vérité. Ils sortent de la survie pour entrer dans la présence, ils refusent la reproduction des violences, ils rétablissent le lien à soi, aux autres et au vivant, ils créent des collectifs sains, ils désactivent les mécanismes systémiques d’aliénation.

Et ça, pour un système fondé sur le contrôle, la performance et la peur c’est très dangereux. Radicalement dangereux. Et profondément libérateur.

Guérir ses traumas, c’est l’acte le plus subversif qu’on puisse poser aujourd’hui contre un système qui prospère sur les blessures.

Du trauma à la métamorphose

Le trauma n’est pas une condamnation. C’est un gel. Et ce qui a été figé peut être défigé. Ce qui a été réprimé peut être réintégré. Ce qui a été cassé peut devenir source de force. Guérir, c’est retrouver du mouvement, de la chaleur, de la souveraineté, du lien.

Et si ce processus est individuel en apparence, il devient aussi collectif, car un être qui guérit, c’est un territoire qui respire et un monde qui se transforme. Guérir, c’est revenir à la beauté simple d’exister, et peut-être qu’au bout du chemin, il ne reste qu’à aimer, chanter et danser.

Pour aller plus loin :

Dr Adrien Biassin

Thérapeute, docteur, chercheur, enseignant, conférencier, auteur, écoaventurier, multi-créateur, poète de l'âme.

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